Regards croisés : la F3S aux Jeux Olympiques et Paralympiques #4

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Portrait

Gilles Erb, actuel président de la fédération française de tennis de table (FFTT), est un des enseignants de la faculté des sciences du sport et son ancien doyen. À l’approche des JOP 2024, il nous a partagé son quotidien passionnant et passionné au service d’un sport qui brille plus que jamais dans l’univers du sport olympique français.

Quelles sont vos missions en tant que président de la fédération française de tennis de table ?

Le président d’une fédération olympique est élu par des représentants des comités départementaux et des représentants des ligues régionales. Il représente la fédération dans les actes de la vie courante, par exemple, pour le recrutement, pour des achats, pour des locations, etc. Bien sûr, il n'agit pas tout seul puisqu'il est encadré par différentes instances décisionnaires, un conseil d'administration, un bureau exécutif et des commissions. Une des premières missions qui me sont dévolues c'est de veiller à l'application des décisions qui sont prises par ces différentes instances. Je représente aussi la fédération auprès des partenaires institutionnels, qu'ils soient régionaux, nationaux et au niveau international, ce qui fait que je me déplace beaucoup. En 2023, j'ai fait 126 000 kilomètres et environ 200 jours de déplacement dans l'année.

Et puis, je coordonne l'activité de la fédération sur la base d'un projet sur lequel j'ai été élu. Je gère également le personnel. Il m'appartient de rechercher des partenaires, des financements, d'affecter les moyens en ressources humaines et en ressources financières en fonction des priorités du programme fédéral. Ce programme est assez innovant dans le monde des fédérations, puisqu’il s'appuie sur deux grands axes. Premier axe, la performance sportive, parce qu'on est une fédération olympique et on veut bien entendu participer à la récolte des médailles olympiques, c'est l'actualité qui arrive. Ça veut donc dire détecter des jeunes avec un fort potentiel, accompagner la formation vers la haute performance et créer les conditions de la performance de nos équipes de France. Et le deuxième axe est centré sur la performance sociale, pour répondre à la question : comment la fédération peut contribuer à rendre la société meilleure ? Aujourd'hui, ces deux axes sont portés au même niveau, avec des investissements financiers qui sont presque équivalents entre la performance sportive et la performance sociale.

À noter que je porte également ce point de vue de la performance sociale, avec quelques autres présidents de fédérations, au bureau exécutif du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) où j’ai été élu en 2021.

 

Parmi toutes ces missions, quelles sont celles que vous appréciez le plus ?

Ce que je trouve le plus intéressant, c’est le travail de compréhension des besoins de la société qui va m'amener vers une vision et une stratégie de développement innovante de notre fédération. Le deuxième point, c'est le pilotage d'une équipe plurielle avec des statuts différents, que ce soient des élus bénévoles, des salariés de droit privé, et des cadres techniques d'État, auxquels il faut aussi adjoindre des agences. Il faut être capable de piloter toutes ces équipes. C'est une expérience faite de rencontres qui est absolument passionnante. Je me sens chanceux de pouvoir vivre cette expérience, nourrie par la passion du tennis de table, évidemment.

Nous sommes à quelques jours de l’ouverture des JOP. Qu'est-ce qui a changé depuis quelques mois dans vos missions de président ?

Tout a changé et rien n'a changé :  la gestion courante continue et en même temps, il y a ces Jeux qui sont l'événement le plus important au monde : 16 millions de personnes vont venir nous voir à Paris, 25 000 journalistes, 10 500 athlètes. C'est vraiment considérable et l'attente est très, très forte. Pour la fédération française de tennis de table, on est dans un momentum incroyablement enthousiasmant avec des champions charismatiques, avec un record de licenciés, une croissance financière d'environ 30%, ce qui est vraiment énorme, un gain de notoriété extraordinaire. Tout le monde aujourd'hui attend une médaille du tennis de table, que ce soit le ministère, le CNOSF, la presse qui nous sollicite énormément ... Alors il faut être au petit soin pour l'équipe de France, à laquelle on accorde encore plus de temps pour créer les meilleures conditions de réussite.

Dans le même temps, je travaille sur l'héritage des Jeux pour que demain le sport soit davantage au cœur de notre société. Pour la FFTT, cela signifie d’une part, faire évoluer son offre sportive pour satisfaire les attentes renouvelées des Français (santé, bien-être, convivialité) et faciliter l’accès au tennis de table, et d’autre part accroître encore la notoriété du tennis de table pour donner d’avantage envie de pratiquer notre sport. Aujourd'hui, on pense que si on est performant aux Jeux, il peut y avoir 30 000 licenciés de plus à la rentrée, il faudra accompagner les clubs de tennis de table pour qu'ils puissent accueillir plus de monde. On fait d’ailleurs beaucoup d'animations actuellement pour promouvoir notre pratique, par exemple sur le parvis de l'Hôtel de Ville de Paris, et au Club France.

Je travaille également avec la ministre des Sports pour construire une loi héritage, qui sera post-Jeux. Et je suis président de la commission héritage pour l'Agence Nationale du Sport, où je travaille avec des collectivités territoriales, des entreprises, le ministère, des fédérations, sur « comment léguer les actifs des Jeux ? ». Il y a par exemple eu des labels Génération 2024 ou Terre de Jeux, le Savoir-Nager, le Fonds de dotation Impact 2024 pour soutenir des dispositifs citoyens. Qu'est-ce qui va devenir de tout ça après les Jeux ? Bref, je vis Jeux Olympiques, je mange Jeux Olympiques, je travaille Jeux Olympiques, je dors Jeux Olympiques et mon agenda est complètement bouclé par ces Jeux Olympiques !

Une sélection aux Jeux olympiques implique qu’on écarte certains joueurs ou joueuses. Comment s’est passé le choix de retenir Charlotte Lutz mais pas sa sœur, Camille?

Tous les joueurs français ont rêvé de participer à ces Jeux Olympiques plus qu'à n'importe quels autres et pour ceux qui sont écartés, vous « brisez » leur carrière. C'est un regret bien sûr de ne pas avoir pu emmener une Alsacienne de plus. La fonction de président de la fédération exige d’être capable de prendre des décisions aussi dures soient-elles. Il faut bien se préparer pour les prendre, avec des arguments et ici en l'occurrence, j'avais mis en place un comité de sélection avec quatre personnes et nous avions validé un chemin de sélection il y a déjà plus d'un an, qui était bien connu des différents acteurs. Au final, c’est ma fierté, la sélection s'est faite sur des critères sportifs bien objectivés, et elle n'a pas suscité de difficultés majeures.

Dans tout votre parcours professionnel, quelles sont les compétences qui vous servent le plusà la tête de la fédération française de tennis de table ?

Dans le fond, il n'y a pas grand-chose de différent entre la direction de la faculté des sciences du sport et la présidence de la fédération, il faut avoir une vision et construire un projet. Je suis arrivé à la faculté en 2007 et j'ai été élu doyen en juin 2009. Ce que j'ai essayé de faire au niveau de la faculté, c’est innover. Je le dois à ma culture sportive parce que si vous voulez gagner après-demain, il faut construire une stratégie pour y arriver. Et puis à la faculté, j'ai découvert la recherche, ce qui m'a apporté deux choses : mettre en place des méthodes pour pouvoir travailler et puis surtout, ça m'a donné envie de faire une thèse, et cette thèse m'a conduit finalement à être candidat à la présidence de la Fédération. Je suis convaincu que ce sont des opportunités qui se construisent sur des expériences professionnelles et qui nourrissent une ambition et un parcours professionnel. C'est donc l'expérience professionnelle qui fait qu'on peut nourrir d'autres ambitions, et non l'inverse.
 

En étant à la tête de la fédération, c’est d’abord le périmètre qui change complètement. Vous passez tout à coup à une échelle nationale et internationale. Il faut être capable de porter un message adapté à chaque niveau et de convaincre autour de ce message. Ensuite, il y a la question du management des ressources humaines : pour le projet que j’ai bâti, j'avais besoin de nouvelles compétences au sein de la Fédération, ce qui m’a amené à professionnaliser le siège fédéral. Le troisième volet, c’est la capacité à s’organiser et agir vite compte tenu de la nécessité de conjuguer des activités pour la FFTT et pour le CNOSF d’une part et de concilier la vie parisienne et la vie strasbourgeoise d’autre part. Enfin, j’ai été instantanément projeté dans un monde qui n’était pas le mien à savoir celui des médias nationaux, des politiques, des syndicats, des patrons de grandes entreprises, des organisations sportives internationales. Je me souviens la première fois qu’on m’a demandé d’exprimer la position de la France sur un sujet, ça m’a fait drôle…

Vous êtes détaché en tant qu'enseignant de la faculté au niveau de la fédération, ce qui vous permet d'être à temps plein sur le poste de président ?

Je bénéficie d'un aménagement de service particulier, et je profite de l'occasion pour remercier à la fois la faculté des sciences du sport et son doyen Fabrice Favret, l'université et son président Michel Deneken, et sa vice-présidente chargée des ressources humaines Élisabeth Demont, qui ont joué tous les trois un rôle majeur dans cet aménagement de service. Je crois que l'université a pris en compte l'intérêt d'avoir un président de fédération en son sein pour faire rayonner l'université de Strasbourg. Ceci étant, je reste très proche de la faculté, je coordonne toujours les activités de raquettes, et je reste très attentif à l'évolution de la faculté.

Vous avez été élu en 2020 et vous aviez dit d'ailleurs que vous aurez la chance de vivre deux Jeux Olympiques puisque Covid faisant la précédente olympiade a eu lieu en 2021. Les prochaines élections ont lieu en décembre 2024. Allez-vous vous représenter ?

Je postule pour un deuxième mandat parce que je viens de vivre un mandat tout à fait particulier à cause du Covid, période pendant laquelle la fédération française de tennis de table a perdu 35% licenciés. Quand on sait que le produit des licences représentait 45% de du budget fédéral, on a dû mettre en place un plan de gestion de crise qui a été très coûteux en temps et en énergie. Depuis deux ans nous avons non seulement redressé la situation mais nous avons enclenché une dynamique très forte : une croissance de 30% des finances de la fédération et un budget de la fédération qui passe de 5 à 7,8 millions en l'espace de deux ans. Je souhaite aller plus loin pour offrir davantage de services aux clubs, de faciliter l’accès à la pratique pour d’autres catégories de français comme les femmes, les salariés, les étudiants, les personnes en situation de handicap. J’ai aussi le sentiment que c’est le moment de convertir notre image plus moderne pour attirer des partenaires économiques. Enfin, je porte un projet innovant et très enthousiasmant qui est de devenir la première « fédération à mission » sur le modèle des entreprises à mission qui sont régies par la loi pacte de 2019. Je souhaite aller au bout de ses projets. Par contre, je me suis engagé à ne pas briguer un troisième mandat.

Au cours de toute votre carrière, quel est finalement le plus gros défi que vous ayez eu à relever ? En dehors des défis encore à venir.

Ma vie a été parcourue de défis, je n'ai cessé de me lancer des défis. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais c'est comme ça. En voici quelques-uns : la création d’un pôle de haut niveau en tennis de table à 24 ans ; une agrégation d’EPS ; la direction de la faculté des sciences du sport, un immense défi en me lançant dans la recherche à travers une thèse à presque 50 ans que j’ai faite en 3 ans et qui me conduit à aller vers une candidature à la présidence de la fédération française de tennis de table, et six mois plus tard, je suis élu au bureau exécutif du Comité National Olympique et Sportif Français, ce qui m'ouvre les portes de l'olympisme. Vous avez raison, j'ai l'impression que mes plus grands défis, ce sont sans doute ceux que je vais mener demain et je n’ai aucune idée dans quel domaine ils seront. Et cette chance que j'ai eu de vivre cette vie de défis fait que je n'ai encore pas eu l'impression de travailler, parce que je n'ai fait que des choses passion. Et je me sens chanceux, vraiment chanceux.

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